Covid-19 : Sophie, infirmière du privé, réquisitionnée dans le public

Cadre de santé dans une clinique privée en région parisienne, Sophie* a accepté de nous raconter son quotidien durant cette crise sanitaire. Anciennement infirmière, puis titulaire d’un diplôme d’État d’infirmier de bloc opératoire (IBODE), elle a été réquisitionnée par les hôpitaux publics, périphériques à sa clinique.

Sophie passe ses journées à gérer l’organisation et la gestion de l’hôpital. « Ma journée type est d’accompagner la cadre de réanimation, la cadre du bloc opératoire afin d’organiser la prise en charge des patients, les médicaments, gérer le nombre de lits, gérer le personnel. En ce moment on fait plus de la logistique, mais je vais aussi en service de réanimation pour aider les soignants car il n’y a clairement pas assez de personnel.  Actuellement tous les blocs sont fermés dans le privé pour laisser les respirateurs libres pour les Covid-19, même si une salle est toujours mise à disposition pour les urgences ».

La prise en charge des patients se fait dans une tente, le plus rapidement possible afin de leur apporter les soins adéquats. « À l’arrivée des patients, il y a une tente où ils sont pris en charge par les soignants. Ils sont diagnostiqués, on voit leur état et ils sont emmenés vers le service adéquat. On ne perd pas de temps, tout est bien fait, tout est bien organisé là où je travaille. La mairie de la ville a très bien géré pour les structures. Les patients du Covid-19 prennent beaucoup de temps dans la prise en charge, avec la médicamentation et les soins. Il faut savoir que la maladie peut aller très vite dès que les symptômes commencent à apparaitre. Quelques fois, les gens sont « toussants » puis quelques heures après, ils décèdent. Il n’y a pas de traitement pour le virus et il n’y a pas beaucoup de moyens de soulager les patients non plus, si ce n’est par l’intubation ventilation ».

Le personnel hospitalier est dépassé par la crise

Le personnel hospitalier travaille sans relâche, au bord de l’épuisement, pour vaincre le virus même si les moyens médicaux ne sont pas suffisants. « Cette crise dure depuis trois semaines, le personnel est fatigué, il s’arrête. Il n’y a pas assez d’infirmières, d’aides-soignants, ni assez de matériel médical. Les réanimateurs et les médecins se posent beaucoup de questions, ils essayent de lutter avec les moyens du bord ».

Cette crise, en plus d’inquiéter, prend tout le personnel médical à la gorge. Le gouvernement, suite à une gestion de crise trop tardive, sûrement, provoque une pénurie de masques. Les conditions de travail dans les hôpitaux étaient déjà très dégradées, avec cette crise cela devient difficile de faire le travail d’un soignant.

Pour continuer à travailler « sereinement », cette infirmière de formation ne préfère pas penser aux risques qu’elle encoure en allant au travail : «  J’essaie de pas trop penser aux risques d’être infirmière aujourd’hui, sinon on « psychote » on voit déjà assez de choses comme ça dans la journée. Il ne faut pas se poser de questions quand on est soignante, de toute façon, on est réquisitionné donc on est obligé d’y aller. Oui ça fait peur, ça fait réfléchir, parce qu’il y a des gens de tout âge. L’entraide entre les collègues aide à tenir. Tout le personnel hospitalier y met du sien, les chirurgiens sont en réanimation, les réanimateurs aident pour les toilettes ».

Cette cadre de santé met en garde sur l’augmentation du nombre de cas de Covid-19, « il sera très difficile d’accueillir correctement les patients. Le manque de matériel est bien trop important ».

Cette épidémie permet de prendre conscience des failles du système de santé français. Des réponses du gouvernement seront attendues pour le corps médical, qui depuis des années, demande plus de moyens : « cette crise va être bien pour mettre des choses en place, mais c’est dommage d’attendre qu’il y ait une crise comme ça pour se rendre compte que ça ne va pas ».

*Sophie = Prénom changé.

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