Et sinon, à quoi ressemble le quotidien d’un comédien confiné ?

Le monde du spectacle est plus que jamais bouleversé par le confinement. Les pièces de théâtre sont annulées, les tournages sont reportés… Entre créativité et fatalisme, les intermittents du spectacle s’adaptent différemment face à la crise sanitaire liée au Covid-19.

Le Festival d’Avignon est annulé, celui de Cannes est reporté, les salles de cinéma et de théâtre sont fermées jusqu’à nouvel ordre et les tournages sont décalés à des dates inconnues… Le monde du spectacle vit un bouleversement sans précédent. Peut-il s’adapter et comment ?

« Je fais des conneries sur Instagram »

Vous avez peut-être déjà entendu parler du jeu « Questions pour un balcon » qui amuse beaucoup Internet depuis le début du confinement. Non ? Cela ne vous dit rien ? Il s’agit tout simplement d’une initiative prise par le comédien Noam Cartozo, qui a détourné le jeu « Questions pour un champion », en « Questions pour un balcon ». Dans le 11e arrondissement de Paris, depuis son balcon, il endosse le rôle du présentateur Samuel Étienne en posant des questions aux habitants de sa rue.

Un jeu qui cartonne sur les réseaux sociaux, un outil que Philippe Lelièvre, comédien lui aussi, a appris à maitriser pendant le confinement. « Je devais être au théâtre à la rentrée, mais évidemment cela ne se fera pas. En tant que comédien on n’a pas de perspective, alors j’en profite pour faire des conneries sur Instagram ». Philippe l’a compris, les réseaux sociaux sont un formidable outil pour garder une connexion avec le monde extérieur. « Je fais pousser du gel hydroalcoolique dans un bac à fleurs, je mange des gants…. Je fais rire, je fais mon métier finalement ». Heureusement pour le comédien, le ridicule ne tue pas. « Tout le monde se fout de ma gueule, mes fils trouvent que je suis un vieux con ! », raconte-il avec le sourire.

Le comédien appréhende cependant l’après-confinement. « Tourner avec des gestes barrières, ça me paraît compliqué… À moins de faire un film sur la haine, où tout le monde serait loin de l’autre ? », ironise-t-il. « Est-ce que les gens vont retourner facilement au théâtre ? Je n’ai pas la réponse à ça. Et puis nous ne sommes pas à l’abri d’une deuxième vague », dit-il avec inquiétude. L’aspect financier, c’est également un « problème » pour Philippe. « Les revenus sont très disparates dans ce métier. Mars-avril ça allait. Au-delà, ça n’ira pas ». Si son confinement se passe à merveille puisqu’il se repose et se détend en famille, Philippe reconnaît qu’il serait « plus heureux si les gens arrêtaient de mourir et que chacun retrouvait une vie normale ».

« Le théâtre, ça ne se fait pas confiner »

Marion Bierry est comédienne et metteur en scène de théâtre. « Je dirige un théâtre à Avignon et comme le festival est annulé, cela change beaucoup de choses. Les spectacles que l’on était censé accueillir ne se joueront que l’an prochain. En revanche, je monte une pièce qui va se jouer à Paris en janvier prochain au théâtre du Ranelagh. J’espère que cela ne sera pas remis en question ». Face à ces imprévus, profite-t-elle des réseaux sociaux comme Philippe Lelièvre pour animer son confinement ? « Non, pas d’écran pour moi ! Comme disait Nietzsche, ma récréation a toujours été de lire des livres. Ce n’est pas uniquement avec des représentations qu’on nourrit le théâtre. C’est aussi avec des bons bouquins : des romans, des essais, des poésies… Je lis beaucoup de poésies ! L’ordinateur ne fait pas partie de mon quotidien, ni les réseaux sociaux ». Eh oui, le confinement incite les gens à lire davantage. Le #ConfinementLecture est assez tendance sur le réseau social Twitter.

Marion Bierry perçoit le confinement comme un sérieux frein à l’épanouissement d’un comédien. « Les gens de ce métier ont toujours été habitués à ce que rien n’empêche une représentation. Pendant des siècles, les comédiens ont joué des pièces en étant malade. Alors oui, le confinement bouleverse notre métier et le spectacle vivant. Le théâtre, ça ne se fait pas confiner. On ne répète pas confiné. »

Et pourtant, en cette période de confinement, la Comédie Française a trouvé un moyen de maintenir un lien avec son public par l’intermédiaire de plusieurs activités interactives. Elle propose « des archives, des captations, des expériences de comédien et aussi des textes à répéter pour tous les amateurs de littérature et de théâtre ». L’acteur Denis Polalydès, sociétaire de la Comédie Française, est notamment très investi dans ce projet.

En Dordogne, le Théâtre de la Gargouille de Bergerac a mis en ligne des exercices ludiques et liés au théâtre à faire chez soi, comme le rapporte le Sud-Ouest. Vous voyez, le théâtre et l’humour ne sont pas morts, bien qu’ils soient confrontés à une situation historique et sans précédent, qui oblige comédiens et comédiennes à repousser leurs limites.

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