L’Inde au défi du déconfinement

Le deuxième pays le plus peuplé au monde commence lentement à sortir du coma artificiel. Après un arrêt total de 6 semaines, le déconfinement dessine une carte rouge et verte de l’Inde. Une décision précoce qui semble minimiser la gravité de la situation au profit de l’économie.

C’est une Inde fractionnée qui se dessine depuis le 4 mai, date de début du déconfinement progressif. Calquant ses couleurs rouges et vertes sur la météo, suggérant le beau et le mauvais temps, le Premier ministre Indien libère les habitants par régions. Celles qui sont les moins touchées par le virus sont peintes en vert, symbolisant la délivrance. Les habitants sont libres de flâner dans les rues et les magasins rouvrent leurs portes.

Alors que le bilan officiel au 5 mai est de 1300 morts pour 40 000 cas dépistés, le gouvernement indien tient un discours positif et rassurant, encourageant le déconfinement progressif du pays. Un élan de positivité qui se veut bien loin de la cruelle réalité des faits qui en minimise l’impact de la pandémie.

« Si on a de la fièvre, les hôpitaux refusent de nous voir »

À quelques kilomètres de la frontière Népalaise, dans la région contestée du Kashmir, Prem est inquiet pour sa famille et sa santé. Timide, il prend une grande inspiration et se lance : « je lis la presse locale tous les jours. Selon eux tout se passe bien. Soi-disant, il y a peu de cas et les hôpitaux sont en mesure de gérer la crise. Mais s’il y a si peu de cas c’est qu’il n’y a presque pas de tests et que les malades ne sont pas pris en charge. Ici, quand on a de la fièvre, peu importe la gravité de sa maladie, personne ne nous vient en aide. L’hôpital ne veut pas nous recevoir ».

Pour éviter de contracter le virus, les citoyens sont encouragés à utiliser des masques et à respecter les mesures barrières. Un discours théorique qui se heurte à une réalité bien différente dans les régions défavorisées du pays. « Les politiques ont-ils déjà mis les pieds dans une ville Indienne ? » se questionne Prem.

« Des masques ? Non. Mais on a ça… »

Un turban en guise de masque @alexisgilli

Les traits fatigués, un turban sur le visage, Shankar Singh raconte ses conditions de vie. L’homme d’environ 30 ans – il ne connaît pas sa date de naissance car les pauvres n’ont pas de papiers d’identité – est guide touristique dans la région de Pushkar, dans le Nord-Ouest de l’Inde.

Pour lui, le gouvernement tient un double discours. D’un côté rendant obligatoire le port du masque, mais de l’autre n’ayant pas de dotation suffisante : « à Pushkar c’est difficile. Les hôpitaux sont pleins alors qu’officiellement on est dans une région verte. Si on sort, les policiers nous attrapent et nous mettent dans des salles isolées, dans le noir, pendant 15 jours, des fois sans nourriture. Dans les grandes villes comme Delhi ou Chennai, c’est la catastrophe. L’Inde est sale, tout le monde vit dans des bidonvilles. Imaginer qu’on aura des masques et qu’on pourra s’éloigner les uns des autres, c’est inconcevable » explique-t-il une larme à l’œil.

Aux problèmes de santé s’ajoute une autre contrainte : se nourrir. Sans touristes, les locaux n’ont presque aucun revenus, et en Inde, sans revenus, c’est la famine.

Le rôle primordial des ONG

Distribution de nourriture dans l’Uttard Pradesh @AINAWUP

Pour pallier le déficit financier engendré par la pandémie, le gouvernement a décidé de venir en aide aux plus pauvres. Le montant astronomique de cette aide ? 24 euros. Heureusement, des ONG amènent leur pierre à l’édifice : « nous distribuons des milliers de rations de nourriture chaque jour. Cela permet à de nombreuses personnes démunies de survivre. Si nous pouvons faire ça, c’est grâce aux donations. On en a eu beaucoup heureusement » explique Kamaldev, présidente de l’ONG indienne AINAWUP lors d’une interview accordée à CAQS.

Les régions les plus impactées par le Covid-19 seront soumises à un confinement strict pour encore 2 semaines. C’est notamment le cas de Bangalore et Mumbay qui recensent, chaque jour, des centaines de cas supplémentaires.

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